l'orgueil

L’amour de soi fait partie des instincts fondamentaux de la nature humaine, et est nécessaire à la poursuite de la vie. C’est de ce même instinct que procèdent l’attachement de l’homme à ce monde, et sa lutte obstinée pour assurer sa survie. Bien que cet instinct naturel soit une source d’énergie fructueuse, et permette l’éclosion de nombreuses qualités louables, il n’en demeure pas moins que s’il se développe de façon abusive et désordonnée, il donne lieu à la perversion morale et à diverses déviations. Le premier écueil aux vertus est la tendance trop prononcée à l’égocentrisme, au point que nulle place n’est laissée à l’amour d’autrui. C’est cet amour excessif de soi qui empêche la reconnaissance de ses fautes, et l’acceptation des réalités incompatibles avec son égoïsme.

Le professeur Robinson dit:

«Il nous arrive de modifier spontanément nos opinions sans effort et sans émotion. Mais, si l’on vient nous affirmer que nous sommes dans l’erreur, nous nous révoltons contre cette accusation et prenons instantanément une attitude défensive.

C’est avec une incroyable légèreté que nous formons nos convictions, mais il suffit qu’on menace de nous les arracher pour que nous nous prenions pour elles d’une passion farouche. Evidemment, ce ne sont pas tant nos idées que notre amour-propre que nous craignons de voir en danger....

Nous nous insurgeons non seulement quand on nous dit que notre montre retarde, que notre voiture est démodée, mais aussi quand on insinue que notre conception des canaux de Mars, de la valeur médicinale du salicylate ou de la civilisation des Pharaons est erronée.... Il nous plaît de continuer à vivre dans les croyances que nous avons été accoutumés à considérer comme vraies.»

L’orgueil, le plus grand ennemi des hommes ravage leurs bonheurs. De tous les vices moraux aucun n’est aussi répugnant; il rompt les liens de l’affection et de l’entente, les remplace par l’inimitié, et attire la réprobation générale. Tout comme on attend des autres qu’ils nous marquent de l’estime et de la considération, il faut préserver leur honneur, s’abstenir de tout ce qui serait contraire aux règles de la bonne fréquentation, et nuirait à la concorde. Le mépris des sentiments des gens suscite forcément une réaction, entraînant pour son auteur humiliation et discrédit.

Chacun jouit selon son mérite et son rang du respect et de la bienveillance profonde des gens. Mais celui qui est prisonnier de son égoïsme, et dont la vie entière est régie par l’amour de soi, ne prend en considération que les désirs de sa personne, ne s’inquiétant jamais de l’état de son prochain. Il s’acharne à se donner des airs de célébrité et de grandeur, et à faire reconnaître sa supériorité illusoire. Son obstination à vouloir mériter le respect des gens, hors de toute logique, fait naître une contradiction flagrante entre ce qu’il désire et la haine et la répulsion profondes que lui voue son entourage. Cette réaction de la société envers l’orgueilleux lui est accablante, et il ne la supportera qu’avec peine et amertume. L’infatuation s’accompagne toujours de pessimisme. La flamme de la susceptibilité brûle dans le coeur de l’égoïste, et lui fait voir tout le monde comme des ennemis. L’indifférence des autres à son égard et les coups que son orgueil en reçoit continuellement ne s’effacent jamais de sa mémoire, et qu’il le veuille ou pas, agissent particulièrement sur son esprit. Et chaque fois que l’occasion lui est donnée, il laisse se déchaîner son ressentiment et sa vengeance contre la société, et il n’aura de cesse que lorsque son bouillonnement intérieur se sera assagi.

Quand le démon de l’orgueil et de l’égotisme s’insinue en l’homme, il fait naître en lui un «sentiment d’infériorité», qui se développe graduellement en «complexe d’infériorité» pénible et destructeur, pouvant donner lieu à différents crimes, et conduire l’orgueilleux à des actes d’injustice de plus en plus graves.

De l\\\\\\\'étude de l’histoire universelle, il se dégage clairement ce fait que ce sont les arrogants et les fats qui se sont toujours dressés contre les prophètes divins, et ont refusé d’admettre la vérité et le droit. Les exterminations collectives, et les barbaries qui ont accompagné les guerres mondiales, et ont failli entraîner le genre humain au bord de l’anéantissement ont eu leur cause dans l’orgueil et l’amour démesuré de soi qui animaient certains groupes de personnes parvenues aux rênes du pouvoir. La plupart des individus ayant grandi dans les familles déchues, et parvenu à un poste quelconque de l’échelle sociale, se réfugient le plus souvent dans la vanité et cherchent par cette voie à compenser l’infériorité de leur extraction. Ils s’imaginent avoir une personnalité supérieure à celle des autres, et tentent par une attitude orgueilleuse à faire accréditer cette supériorité illusoire.

L’Islam qui veut promouvoir une culture humaniste supérieure, et créer les conditions d’une vie plus riche, a abrogé tout privilège injuste, et ne reconnaît que le privilège de la foi et de la piété.

Loghman le sage mettait en garde son fils contre l’orgueil, en ces termes que rapporte le Noble Coran: «Et ne renfrogne pas ta joue, pour les gens, et ne foule pas la terre avec arrogance; Dieu n’aime pas du tout, vraiment, le présomptueux plein de gloriole...»

Le Prophète de l’Islam (saw) disait:

«Evitez l’orgueil! Car quand l’homme se montre longtemps arrogant, Dieu ordonnera qu’on l’inscrive parmi les despotes.»

En fin, citons une parole de l’Imam Ali (as):

«L’homme satisfait de lui-même se rend aveugle à ses défauts. S’il reconnaissait les qualités et l’excellence d’autrui, il apprendrait ses imperfections et tout ce qu’il a manqué.»